Contre un poète parisien
Contre un poète parisien
Stéphane MALLARMÉ
CONTRE UN POÈTE PARISIEN (1).
À E[mmanuel]. des E[ssarts]......
Souvent la vision du Poète me frappe : Ange à cuirasse fauve, il a pour volupté L'éclair du glaive, ou, blanc songeur, il a la chape, La mitre byzantine et le bâton sculpté.
Dante, au laurier amer, dans un linceul se drape, Un linceul fait de nuit et de sérénité : Anacréon (2). , tout nu, rit et baise une grappe Sans songer que la vigne a des feuilles, l'été.
Pailletés d'astres, fous d'azur, les grands bohèmes, Dans les éclairs vermeils de leur gai tambourin, Passent, fantasquement coiffés de romarin.
Mais j'aime peu voir, Muse, ô reine des poèmes, Dont la toison nimbée a l'air d'un ostensoir, Un poète qui polke avec un habit noir.
Notes
- (1) Ce poème est publié le 6 juillet 1862 dans le Journal des baigneurs de Dieppe. Il est dédié à Emmanuel des Essarts, auteur des Poésies parisiennes.
- (2) Anacréon est un poète lyrique grec du VIème siècle avant J.C.
<< Le Carrefour des Demoiselles | Poèmes non recueillis | Rien au réveil >>