Edgar Poe, par Stéphane Mallarmé


Edgar Poe personnellement m'apparaît depuis Whistler. Je savais, défi au marbre, ce front, des yeux à une profondeur d'astre nié en seule la distance, une bouche que chaque serpent tordit excepté le rire ; sacrés comme un portrait devant un volume d'oeuvres, mais le démon en pied ! sa tragique coquetterie noire, inquiète et discrète : la personne analogue du peintre, à qui le rencontre, dans ce temps, chez nous, jusque par la préciosité de sa taille dit un même état de raréfaction américain, vers la beauté. Villers de l'Isle-Adam, quelques soirs, en redingote, jeune ou suprême, évoque du gest l'Ombre, tout silence. Cependant et pour l'avouer, toujours, malgré ma confrontation de daguerréotypes et de gravures, une piété unique telle enjoint de me représenter le pur entre les Esprits, plutôt et de préférence à quelqu'un, comme un aérolithe ; stellaire, de foudre, projeté des desseins finis humains, très loin de nous contemporainement à qui il éclata en pierreries d'une couronne pour personne, dans maint siècle d'ici. Il est cette exception, en effet, et le cas littéraire absolu.