Magie


Magie

Stéphane MALLARMÉ

Huÿsmans se plut, dans une œuvre de portée infiniment autre que fournir des documents même extraordinaires (comparaison entre la magnificence en le mal, d’âmes, au xve siècle, et nous) à dénoncer le bizarre attardement, au Paris actuel, de la démonialité. Le moyen âge, incubatoire : tout depuis, alliage, avec l’antique, pour composer cette vaine, perplexe, nous échappant, modernité — outre la législation pétrifiée romaine stagne une religion, celle des cathédrales, parallèlement. Fermer les yeux, ne peut ne voir, régentant la cité comme au temps défunt, l’accroupie en le dégagement mystérieux de ses ailes, ombre de Notre-Dame.

Le sabbat, dessous, conduit par la bande restaurée des gargouilles et des figures infâmes, refuse de choir.

Un public, soustrait au recensement, éprouve du goût pour des pratiques, ici, que le maintien, à la cour papale, d’une charge en vue de les confondre, désigne comme vivaces. Hébétude fouettée de blasphème, cette messe-noire mondaine se propage, certes, à la littérature, un objet d’étude ou critique.

Quelque déférence, mieux, envers le laboratoire éteint du grand œuvre, consisterait à reprendre, sans fourneau, les manipulations, poisons, refroidis autrement qu’en pierreries, pour continuer par la simple intelligence. Comme il n’existe d’ouvert à la recherche mentale que deux voies, en tout, où bifurque notre besoin, à savoir l’esthétique d’une part et aussi l’économie politique : c’est, de cette visée dernière, principalement, que l’alchimie fut le glorieux, hâtif et trouble précurseur. Tout ce qui à même, pur, comme faute d’un sens, avant l’apparition, maintenant de la foule, doit être restitué au domaine social. La pierre nulle, qui rêve l’or, dite philosophale : mais elle annonce, dans la finance, le futur crédit, précédant le capital ou le réduisant à l’humilité de monnaie ! Avec quel désordre se cherche cela, autour de nous et que peu compris ! Il me gêne presque de proférer ces vérités impliquant de nets, prodigieux transferts de songe, ainsi, cursivement et à perte.

Neuve, presque involontaire une piété de la science ne néglige rien qui hanta son commencement grandiose et puéril : cet appareil de chimère signifiant pour le littérateur des titres solitaires innés, vaut, comme musée ; mais ramener son âme à la virginité de la feuille de papier, n’y installe de blason. Je dis qu’existe entre les vieux procédés et le sortilège, que restera la poésie, une parité secrète ; je l’énonce ici et peut-être personnellement me suis-je complu à le marquer, par des essais, dans une mesure qui a outrepassé l’aptitude à en jouir consentie par mes contemporains. Évoquer, dans une ombre exprès, l’objet tu, par des mots allusifs, jamais directs, se réduisant à du silence égal, comporte tentative proche de créer : vraisemblable dans la limite de l’idée uniquement mise en jeu par l’enchanteur de lettres jusqu’à ce que, certes, scintille, quelque illusion égale au regard. Le vers, trait incantatoire ! et, on ne déniera au cercle que perpétuellement ferme, ouvre la rime une similitude avec les ronds, parmi l’herbe, de la fée ou du magicien. Notre occupation le dosage subtil d’essences, délétères ou bonnes, les sentiments. Rien autrefois sorti, pour les illettrés, de l’artifice humain, seul, résumé en le livre ou qui flotterait imprudemment dehors au risque d’y volatiliser un semblant, aujourd’hui ne veut disparaître, du tout : mais regagnera les feuillets, par excellence suggestifs et dispensateurs du charme.

Coupable qui, sur cet art, avec cécité opèrera un dédoublement : ou en sépare, pour les réaliser dans une magie à côté, les délicieuses, pudiques — pourtant exprimables, métaphores.

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